Les Dispositifs de Concentration des Poissons (DCPs) sont de grands radeaux qui flottent au milieu de l’océan et qui sont utilisés pour concentrer les poissons en un endroit afin de les rendre plus faciles à capturer. Certains DCPs sont ancrés à proximité de la côte, mais la plupart dérivent dans l’océan ouvert et ciblent des espèces pélagiques comme les thons, les espadons, les daurades coryphènes. Les navires de pêche à la senne équipent les DCPs avec des balises électroniques afin qu’ils puissent les retrouver, et un grand nombre d’entre eux sont équipés d’un détecteur acoustique de poisson qui envoie par satellite la quantité de poisson qui s’est aggregée sous le DCP.
Les DCPs augmentent l’efficacité de pêche, en gardant les coûts et l’empreinte carbone plus bas que la pêche sans DCP, mais ils ont des inconvénients potentiels lorsque la pêche sous DCP est mal gérée. Les dispositifs de concentration peuvent potentiellement augmenter la surpêche et les captures accidentelles de certaines espèces, alors que les DCPs perdus finissent comme des déchets dans l’océan.
Cet article couvre les avantages et les inconvénients des DCPs dérivant en utilisant l’article récent de Pons et al. 2023, qui avance qu’il existe des solutions de gestion pour en atténuer les aspects négatifs.
Les avantages des DCPs pour pêcher les thons et autres pélagiques
Les poissons de l’océan ouvert aiment les structures et se retrouvent souvent autour de n’importe quelle masse flottante. Tout peut fonctionner: arbres, lit d’herbes marines, et même de grands déchets humains attirent tous la vie marine.
Les pêcheurs savent cela et ils construisent leurs propres DCPs dérivant pour concentrer le poisson et rendre leur capture plus aisée. Une pêche plus efficace signifie moins de carburant pour la recherche du poisson, de plus grands profits, et au final des prix plus bas pour le consommateur. Les DCPs dérivant sont principalement utilisés en conjoncton avec la pêche à la senne pour encercler les thons en banc.
Entre 20,000-40,000 DCPs dérivant sont déployés chaque année dans l’Ouest et le Centre de l’Océan Pacifique et 16,000-25,000 dans l’Est de l’Océan Pacifique. En gros, 66% de la capture mondiale des thons provient de la pêche à la senne dont 37 % sont associés à la pêche à la senne.
Les DCPs gagnent en popularité de part leurs avantages en termes d’efficacité. Pons et al. 2023 rapporte cinq avantages qui découlent de l’augmentation de l’efficacité dans la pêche des thons à la senne:
- réduction du temps de recherche
- identification distante de zones de pêche intéressantes
- réduction du nombre de coups nuls (i.e., coups pour lequel le navire n’a pas réussi à encercler le banc)
- une meilleure sécurité de l’emploi grâce à des captures plus stables
- une augmentation générale des débarquements
La pêche sous DCP est 1.35-3 fois plus productive pour la pêche de l’albacore, du thon rouge et du patudo et 2-7 fois plus productive pour le listao que la pêche sur banc libre.
Inconvénients des DCPs
La pêche à la senne génère moins de captures accessoires et a une empreinte carbone plus basse que les autres formes de pêche, comme la palangre ou la canne, mais les DCPs ont plus de captures accessoires que la pêche à la senne sur banc libre. Les tortues marines, les requins et les oiseaux sont aussi attirés par les structures dérivantes dans l’Océan. Plus de 90% des tortues marines capturées par une senne sont relâchées vivantes, mais la mortalité des requins est élevée (jusqu’à 84%) comparé à juste 3% pour la palangre. Cependant, d’autres espèces sensibles comme les raies manta et les requins baleine sont plus courants dans les bancs libres que sous les DCPs.
Une autre inquiétude pour la durabilité est que les DCPs attirent un plus grand pourcentage de poissons juvéniles que les bancs libres. La surpêche de thon juvénile peut être exacerbée par les DCPs et créer un risque pour le rendement maximum durable, qui réfère à la plus grande capture qui peut être réalisée de façon continue pour une pêcherie sans épuiser la population de l’espèce cible ou la capacité d’un écosystème donné à soutenir la population.
À part des menaces reliées à la pêche, les DCPs par eux-même peuvent avoir un impact négatif sur l’océan. Certains scientifiques ont avancé que les DCPs altèrent les écosystèmes océaniques en créant un habitat artificiel. Les DCPs abandonnés sont par essence de la pollution marine et ceux dont la structure est fait à base de vieux filets peuvent continuer à faire de la pêche fantôme. Les DCPs sont souvent sans repère, les gestionnaires n’ont donc souvent aucun moyen de savoir d’où provient un DCP ou bien de comment les contrôler. Le contrôle de quelque sorte qu’il soit est un défi en haute mer, où la plupart des DCPs dérivants sont déployés.
Comment gérer la pêche avec des DCPs dérivants
Pons et al. 2023 proposent une série d’actions de gestion pour aborder les inconvénients des DCPs et ils avancent que bannir la pêche sous DCP augmenterait les impacts environnementaux. Dans le tableau suivant, les auteurs listent sept aspects négatifs de la pêche sous DCP dérivant (colonne de gauche), la solution de gestion (colonne centrale), et l’état d’implémentation dans les Organisations Régionales de Gestion des Pêches (ORGPs thonières, responsables de la gestion de la plupart des thons mondiaux).
Bannir les DCPs augmenterait les impacts environnementaux
Les DCPs dérivants ont des problèmes, mais se focaliser sur des solutions de gestion plutôt que sur des interdictions totales serait meilleur pour a population et l’environnement. Une interdiction totale des DCPs réduirait de façon significative les captures de thon, particulièrement pour le listao. Le listao est le thon le moins cher et une source de protéine importante pour de nombreuses personnes qui vivent dans la pauvreté.
Pons et al. 2023 relèvent que les sources alternatives de protéines issue de la production de nourriture terrestre seraient probablement pires pour l’environnement et l’empreinte carbone des pêches thonières augmenterait car la pêche sous DCP a des besoins en carburant moindres que d’autres types de pêche au thon.
Une interdiction totale de la pêche sous DCP dérivant pourrait réduire la production de nourriture mondiale ou bien transférer la production alimentaire sur d'autres méthodes qui sont moins efficaces et/ou qui ont des impacts environnementaux plus élevés (e.g. , des taux de captures accessoires plus élevés), ce qui pourrait mettre en risque de surpêche des espèces qui sont pour l'instant exploitées à des niveaux durables ou augmenterait l'impact général sur les écosystèmes marins. Pour ces raisons, il est essentiel de considérer l'ensemble des impacts positifs et négatifs de toute initiative de gestion des DCPs dérivants, y compris une interdiction totale, particulièrement au regard de toutes les solutions de gestion viables pour réduire les impacts négatifs des DCPs dérivants discutés ici.
Pons et al. 2023 est en libre accès – l’article complet peut être lu ici.
Max Mossler
Max is the managing editor at Sustainable Fisheries UW.