La justice sociale et environnementale dans la filière des produits de la mer

Les questions environnementales sont par nature des questions de justice sociale parce que les humains dépendent des ressources naturelles pour leur nourriture, leur revenu, leurs loisirs, leur culture et leur vie. Dans cet article, nous examinons la justice sociale dans la filière des produits de la mer selon plusieurs perspectives.

Ceci n’est pas un article détaillé qui aborde profondément chaque question de justice sociale ou environnementale rencontrée dans la pêche, mais il propose plutôt une vue d’ensemble de la perspective occidentale avec le but d’accroître la prise de conscience et d’inspirer la compassion et l’action.

Pourquoi devrions-nous nous préoccuper de l'injustice dans les produits de la mer ?

La réponse ci-dessous est sans détour:

L’injustice n’est pas morale, elle n’est donc pas durable.

L'arc de l'univers moral est long, mais il est courbé vers la justice

Qu'est-ce qu'une question de justice ?

Une question de justice traite de l’abus de pouvoir dans une relation déjà déséquilibrée. Il y a des déséquilibres intrinsèques du pouvoir dans la société: les entreprises ont du pouvoir sur les travailleurs car elles détiennent le capital, les gouvernements ont de l’autorité sur leurs administrés par des lois et avec le maintien de l’ordre, et les groupes avec un statut social élevé ont du pouvoir sur les groupes marginalisés au travers des normes sociales et des attentes sociétales. Certains aspects du déséquilibre du pouvoir sont naturels, par exemple une société qui fonctionne bien a besoin d’un organe de gouvernance pour maintenir l’autorité, mais la plupart des déséquilibres de pouvoir sont des produits de l’histoire comme l’impérialisme, le colonialisme et l’accumulation des richesses.

Les gens ou les entités qui détiennent le capital, l’autorité ou ont un statut plus élevé que les autres abusent parfois de leur pouvoir, ce qui crée de l’inéquité. La justice combat l’inéquité en rééquilibrant le pouvoir et l’action envers ceux qui sont marginalisés pour améliorer l’équité.

Les ressources naturelles (comme la pêche) sont liées de façon inextricable à la société et donc une grande part de l’injustice dans la pêche est indicative de problèmes sociaux plus profonds. Dans cette section nous examinons comment ces questions se manifestent dans l’industrie des produits de la mer et dans la pêche en général.

La pêche est comme la plupart des autres questions de conservation et d’environnement— les solutions ne fonctionnent que lorsqu’elles considèrent les gens et les parties prenantes les plus affectées. Les solutions doivent être construites sur de multiples perspectives qui prennent en compte l’histoire, le pouvoir, les classes, le capital et les dynamiques culturelles afin de mener à des résultats socialement et environnementalement justes.

S'investir pour le changement

La citation de Dr. Martin Luther King sonne vrai—le monde est devenu un endroit où l’on vit mieux et de façon plus civilisée. Mais ceci arrive grâce au gens qui se mettent au travail pour le rendre meilleur et plus civilisé. 

L'arc est courbé vers la justice, mais il n'est courbé vers la justice que parce que des gens le tirent vers la justice. Ça n'arrive pas tout seul.

Chaque section de cet article se terminera par des moyens avec lesquels les gens peuvent travailler à améliorer la justice dans la filière de la pêche et les produits de la mer.

Questions géopolitiques

Les questions de justice sociale et environnementale viennent d’un déséquilibre du pouvoir. À grande échelle, cela signifie les pays puissants contre les pays aux moyens plus réduits. Pour la pêche, cela arrive par deux voies principales: le vol transnational et le changement climatique.

Les pays riches volent le poisson des pays plus pauvres

Le vol transnational arrive lorsque des bateaux de pêche de pays riches vont pêcher dans la Zone Économique Exclusive (ZEE) d’un autre pays sans permission et/ou compensation.

Les pays qui ont peu ou pas de moyens alloués à la gestion des pêches ou à la mise en oeuvre des lois ne peuvent pas faire grand chose pour arrêter un bateau étranger de pénétrer dans ses eaux pour pêcher. Il n’y a que peu d’intérêt pour que le pays d’origine du bateau arrête la pêche illégale car ils profitent du poisson volé et des bénéfices. La diplomatie échoue souvent pour des questions de pouvoir similaires—le pays qui en est victime a peu de moyens de pression pour demander au pays riche de policer ses opérations de pêche illégale.

Cependant, de nouveaux outils émergent qui pourront redonner du pouvoir aux pays les plus pauvres. Un nouvel outil/base de donnée prometteur suit les mouvements des bateaux en utilisant leur système automatique d’identification (AIS en anglais). L’objectif est de mettre la pression sur les gouvernements pour qu’ils s’occupent des bateaux qui vont pêcher illégalement dans d’autres pays. La figure ci-dessous est extraite de Cabral et al. 2018 et représente sur une carte tous les bateaux d’une origine donnée qui vont pêcher dans une autre ZEE. Il est important de noter que la figure représente tous les bateaux faisant des mouvements transnationaux, à la fois légaux et illégaux, mais elle identifie clairement les pays qui ont une faible capacité de pêche, ce qui mène à ce que des bateaux étrangers pêchent dans leurs eaux (Afrique de l’Ouest et îles du Pacifique).

Certains pays en voie de développement prennent des mesures drastiques pour enrayer la pêche illégale. Il y a cinq ans, l’Indonésie perdait des millions de dollars de poisson par an à cause des voleurs transnationaux. Mais depuis 2014, d’importants investissements dans la gestion et la mise en oeuvre (renforcement des moyens!) ont permis d’augmenter de façon importante le nombre de bateaux pris à pêcher illégalement. L’Indonésie a aussi initié une nouvelle approche brutale de la mise en oeuvre de la loi et a détruit les bateaux illégaux. Cette nouvelle approche a été efficace pour enrayer la pêche illégale, mais son nationalisme impitoyable affecte la réputation diplomatique de l’Indonésie. C’est un cas d’étude fascinant avec de nombreux points de vue, d’arguments et de questions. Est-ce que l’Indonésie doit sacrifier la diplomatie pour améliorer son secteur de la pêche ? Y a-t-il d’autres moyens, moins sévères, pour enrayer la pêche illégale ? Peut-être qu’à la place la diplomatie pourrait mettre la pression sur les pays étrangers pour qu’ils mettent de l’ordre dans leurs flottes ? Quels sont les coûts humains de la destruction des bateaux ? C’est certainement un cas qu’il sera intéressant de garder à l’oeil.

S'investir pour le changement

  • Transparence dans l’industrie des produits de la mer pour identifier le poisson illégal
  • Éduquer le consommateur aux produits de la mer
  • Pression publique sur les politiciens pour améliorer les politiques
  • Plus de recherche utilisant des données publiques pour identifier les cas de crimes transnationaux

Les émissions de carbone

Non seulement le changement climatique est LE problème environnemental de notre époque, mais c’est aussi la question prééminente de justice sociale. Les pays qui ont émis le moins de gaz à effet de serre (contribuant le moins au changement climatique) seront ceux qui seront les plus touchés par le changement climatique parce qu’ils n’ont pas eu les avantages des industries et du développement qui peuvent amoindrir ses impacts. Les maladies se répandront plus loin et plus rapidement, l’eau douce sera plus rare, les sécheresses seront plus dures, les tempêtes plus intenses, la disponibilité en nourriture changera, des zones vivables deviendront invivables.

Les communautés de petites iles sont spécialement à risque car leurs maisons pourraient être bientôt littéralement sous les eaux. Beaucoup de villages côtiers de pêcheurs sont menacés par la montée du niveau de la mer, des tempêtes plus fréquentes et par la migration des poissons. Les autres inégalités de la pêche, spécialement en rapport avec les groupes marginalisés (discuté plus loin dans cet article), sont exacerbées par le changement climatique.  

Entre temps,  les pays portant le plus de responsabilité pour le changement climatique ne font pas suffisamment pour garder l’augmentation des températures à 2° C au dessus des normes historiques— une cible sur laquelle se sont entendus les pays au sein de l’accord de Paris sur le climat des Nations Unies. Beaucoup de nations insulaires et de pays en développement se sont battus pour une cible encore plus basse, 1.5° C, comme risque acceptable, mais ils ont été contrecarrés par des pays plus puissants. Nous sommes pour l’instant autour de 1° C au dessus des normales historiques, avec une forte tendance à la hausse.

Corriger les injustices des émissions mondiales de carbone est un des problèmes géopolitique le plus difficile de l’histoire humaine. L’accord de Paris était au moins un pas dans cette direction, mais il est nécessaire d’agir plus, spécialement aux États Unis – le pays avec le plus d’émissions cumulées de l’histoire.

S'investir pour le changement

  • Individuellement, la meilleure chose à faire pour réduire ses émissions est de surveiller ce que l’on mange. De façon ironique, manger plus de produits de la mer à la place d’autres protéines animales réduit l’impact climatique du régime alimentaire.
  • Cependant, il ne faut pas s’attendre à ce que les individualités stoppent le changement climatique; l’atténuation à grande échelle viendra de changements politiques et institutionnels sur lesquels il est possible d’agir avec son vote. Inscrivez-vous pour voter ici.
  • Le changement climatique va créer des réfugiés fuyant leur lieu de résidence devenu bientôt invivable. Accepter et aider les réfugiés climatiques devrait être obligatoire pour les pays les plus responsables d’avoir créé la crise.

Le travail

Abus des travailleurs et esclavage

Les pratiques de travail de chaque industrie devrait être équitables, sûres et justes; mais le capitalisme mondial met en avant les intérêts personnels, ce qui mène souvent les sociétés, les institutions et/ou les hommes d’affaires à choisir les profits aux dépends des ouvriers et des travailleurs. Le pouvoir et l’équité pour les travailleurs vient de protections comme l’assurance maladie, des conditions de travail sûres, un revenu minimum ou l’organisation en syndicats et en groupes de négociation. Cependant, pour les industries qui sont difficiles à réglementer et pour lesquelles la mise en oeuvre de celle-ci est complexe, comme pour les produits de la mer, les entreprises peuvent s’en sortir en abusant les travailleurs. Bien que les abus aient lieu partout dans le monde, ils sont plus importants dans les pays en développement où les gouvernements ont de faibles moyens pour l’application des lois, où les contrôleurs sont plus facilement soudoyés et où la classe ouvrière pauvre est plus désespérée d’avoir un revenu pour leur famille.

Dans certains endroits, en particulier l’Asie du Sud-Est, l’avidité de l’industrie a produit de l’esclavagisme des temps modernes. Les travailleurs sont piégés sur des bateaux de pêche, vivent dans des conditions horrifiques et sont sous-payés, quand ils sont payés. L’Associated Press a gagné en 2016 le prix Pulitzer pour son reportage et son enquête sur l’abus des travailleurs et l’esclavage dans l’industrie de la pêche: le reportage peut être exploré ici, mais soyez prévenu que certaines histoires sont bouleversantes et difficiles à lire.

Ces exemples les plus extrêmes ont lieu dans des pays qui ont peu de moyens de surveillance, mais même dans certains pays développés, l’abus des travailleurs dans l’industrie des produits de la mer est un problème. En Irlande des pêcheurs migrant de pays d’Asie ou d’Afrique ne sont pas payés justement, ou dans les cas les pires, sont traffiqués par leurs employés. En Louisiane et dans le Massachusetts, les industries transformatrices des produits de la mer ont été saisies pour abus de travailleurs sans papiers, en les forçant à travailler dans de mauvaises conditions sous la menace de la déportation.

Il est à noter que l’abus des travailleurs n’est, et de loin, pas qu’un problème pour les produits de la mer; la production de nourriture, les manufactures, et d’autres types d’industries (particulièrement l’industrie des vêtements qui a donné naissance au terme ‘sweat shop’) qui sont dépendantes de travailleurs non qualifiés sont toujours en train d’essayer de maximiser le profit—parfois aux dépends des gens.

La grande majorité des entreprises des produits de la mer ont des pratiques de travail justes et éthiques, mais l’esclavage, les abus et les conditions de travail dangereuses sont encore la facette la plus sombre de l’industrie des produits de la mer. Encourager de meilleures lois du travail et augmenter les moyens de leur mise en oeuvre sont des étapes importantes à passer pour les activistes et les gestionnaires afin d’assurer de meilleures conditions de travail pour les pêcheurs du monde entier. Dans de nombreux pays industrialisés, où les moyens alloués à la réglementation sont importants, la pêche est devenu plus sûre. Par exemple, grâce à différentes approches de gestion, la mortalité des pêcheurs aux États Unis a décru de façon régulière les vingt dernières années:

Figure issue du "Center for Disease Control"

Les défis subsistent dans le monde en développement mais de nouveaux outils, comme Global Fishing Watch, peuvent aider les autorités à identifier des bateaux illégaux qui seront la cible d’inspections. La traçabilité le long de la chaîne d’approvisionnement est devenu un point d’attention majeur dans l’industrie et plusieurs entreprises se sont engagées dans une démarche de standard de responsabilité sociale initialement proposé par un groupe de scientifiques des pêches et des sciences sociales.

S'investir pour le changement

Mondialisation

L’industrie des produits de la mer a aussi été changée par la mondialisation. De nombreux pays en développement envoient leurs captures dans des pays d’Asie pour leur transformation afin de tirer profit du plus faible coût du travail qui y règne. Ce faible coût du travail permet aux bateaux de pêche Hawaïens d’exploiter un vide juridique des lois du travail des États Unis et de de payer des travailleurs migrant en dessous du revenu minimum fédéral (mais toujours plus que le revenu moyen dans leur pays d’origine).

De nombreux entreprises de transformation des produits de la mer aux États Unis dépendent de main d’oeuvre migrante pour transformer les captures (une situation de travail similaire à celle des paysans migrants, venant pour la récolte). Cependant, une vague récente de xénophobie a rendu plus difficile l’obtention des visas pour celle-ci, ce qui a augmenté les coûts pour les tranformateurs des produits de la mer, augmentation qui a été transmise au consommateur. Ce ne sont pas simplement les produits de la mer qui dépendent de la main d’oeuvre migrante; le sentiment anti étrangers aux États Unis a affecté les emplois manuels et agricoles à travers le pays. Après de récentes mesures de répression contre des cas d’abus des droits de l’Homme par l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), de nombreux travailleurs (légaux ou illégaux) ont peur de venir pour travailler, levant des craintes sur ce qu’il adviendra des prix de la nourriture aux États Unis.

S'investir pour le changement

  • Supporter les syndicats. Les syndicats donnent du pouvoir aux travailleurs.
  • La négociation collective est aussi un excellent outil pour combattre les inégalités.
  • Compassion et empathie pour les travailleurs des produits de la mer (et des ouvriers en général)

Moyens de subsistance

Les pêcheurs pêchent pour leur subsistance. Cela veut non seulement dire que la pêche assure un revenu, mais aussi que c’est un aspect majeur de l’identité et de la communauté de ceux travaillant dans cette industrie. Les gestionnaires, les scientifiques et les activistes doivent garder à l’esprit le rôle que la pêche joue dans la vie des gens avec qui ils interagissent. Les attaques ou les critiques sur la pêche peuvent être prises de façon personnelle et être très blessantes pour les individus et la communauté, générant la rancoeur et la méfiance.

Restreindre la pêche, même pour des raisons de durabilité, peut mettre une famille dépendante de ce revenu à l’épreuve et causer de façon irréparable des dommages à la communauté. Les fermetures de pêche blessent les gens et, ironiquement, renforce le besoin d’une gestion forte permettant un accès à la ressource cohérent et durable. Les décisions qui mènent à la durabilité de la pêche doivent prendre en compte la subsistance des gens qui en dépendent. C’est la raison courante pour laquelle, légalement, des stocks surexploités sont toujours autorisés à la pêche: réduire la quantité de poisson capturé peut mener à une reconstruction de la population plus lente que si la pêche était complètement fermée, mais les moyens de subsistance sont protégés si les changements sont progressifs. C’est un aspect important à garder à l’esprit lorsque l’on questionne un pêcheur sur la raison pour laquelle il pourrait ne pas pêcher durablement – ce n’est probablement pas à cause de l’appât du gain ou de son ignorance ou une autre raison qui implique la responsabilité de l’individu— c’est pour nourrir leur famille et pour tisser un lien avec leur communauté et leur culture.

S'investir pour le changement

  • Écouter les pêcheurs et les inclure dans la science et la conception des lois.
  • Suivre un Code de conduite pour la gestion des pêches et la conservation qui tient compte des impacts sociaux de la prise de décision.
  • S’engager auprès des parties prenantes.

Groupes marginalisés

Les ressources naturelles (comme les stocks de pêche) sont inextricablement liées à la société, ainsi une grande part de l’injustice dans la pêche est indicateur de problèmes sociaux plus profonds.

Dans cette section nous examinons comment les problèmes sociaux qui affectent les groupes de personnes marginalisés se manifestent dans la filière des produits de la mer.

Pauvreté/classe

La nourriture et le revenu sont des besoins humains basiques—il est important de reconnaître le rôle de la pêche pour ces besoins. La pêche est un sujet de réflexion intéressant et est aussi agréable à étudier—vous ne liriez pas ceci si vous pensiez le contraire—mais il ne faut pas oublier que la pêche fournit le repas des gens. Les Nations Unies estiment que les produits de la mer pourvoient aux moyens de subsistance pour 10-12% de la population mondiale. La pêche n’est pas une activité lucrative pour la plupart des travailleurs; d’après le Bureau des statistiques de la main d’oeuvre (Bureau of Labor Statistics), le salaire median des pêcheurs à temps plein aux États-Unis est 28,310$ par an. C’est aussi un des emplois les plus dangereux. Une interview honnête et intéressante d’un pêcheur professionnel en Alaska peut être lue ici.

La défense des droits, la recherche et la réglementation des pêches affecte les moyens de subsistance de la classe des travailleurs. Engager et inclure les travailleurs de la filière des produits de la mer dans la science et la politique peut se révéler efficace pour améliorer l’équité—le poisson est synonyme de revenu pour beaucoup de personnes!

Le poisson est aussi de la nourriture. Il représente 17% de la consommation mondiale de viande, mais il joue un rôle nutritionel plus important pour beaucoup de personnes, en particulier les populations côtières; 3.1 milliards de gens dépendent du poisson pour 20% de leur apport quotidien en protéines, avec certaines communautés côtières dépendant du poisson à plus de 70%.

La pêche joue un rôle spécifiquement important dans les pays en développement. Le poisson apporte la sécurité alimentaire et il joue un rôle dans la lutte contre la pauvreté et dans le développement. La pauvreté et l’idée d’une dichotomie développé/en développement est une injustice qui provient du monde Occidental. Presque chaque pays en développement est “en développement” parce que l’impérialisme historique (et/ou présent) de l’Occident à fait reculer le pays. Dans la pêche, ces problèmes se manifestent dans les vols transnationaux et le changement climatique, comme nous l’avons discuté plus tôt.

Dans les pays développés, les produits de la mer sont typiquement plus chers que les autres types de protéines. Les gens aux revenus plus bas méritent une nourriture abordable et nutritive; accroître l’accès aux produits de la mer devrait être une priorité. Dans les zones côtières, une solution est d’encourager la pêche récréative afin que les gens capturent leurs propres produits. Dans certains endroits, pêcher depuis certaines jetées ou certains jours de l’année est gratuit et sans licence.

Le poisson en tant que revenu et moyen de subsistance passe généralement avant la durabilité biologique pour ceux qui sont impliqués dans la pêche. Par exemple, les pêcheries pour lesquelles il y a une forte satisfaction sociale et un grand bien être ont une faible corrélation avec la durabilité biologique. Cependant, lorsque la durabilité sociale est en place, travailler à la durabilité biologique devient bien plus facile. C’est probablement parce que s’occuper de la durabilité est un privilège: la plupart des gens dans le monde ont des soucis plus importants (par exemple leur prochain repas, leur santé, leur paye) que la durabilité du poisson qu’ils consomment. Mettre la charge de l’achat durable sur les consommateurs ou bien blâmer le pêcheur est mal avisé, relève d’une vision de classes et perpétue le déséquilibre de pouvoir entre les individus et les institutions. Une fois que la durabilité sociale est en place,  travailler à la durabilité biologique devient bien plus facile.

S'investir pour le changement

  • Écouter les pêcheurs, à la fois pour la science et l’élaboration des politiques.
  • Travailler à atteindre les trois aspects fondamentaux des objectifs de la gestion des pêches.
  • Constituer des moyens de gestion
  • Faire attention aux classes dans les questions de conservation.

Droits des autochtones

Les autochtones ont coexisté de façon durable avec leur environnement depuis des temps immémoriaux. En tant que premiers usagers et gestionnaires des ressources terrestres et marines, les autochtones ont parfois l’autorisation légale de protéger leurs pratiques de pêche traditionnelles et leur culture. Dans certains endroits, les autochtones ont toujours la reconnaissance légale de leur statut de co-gestionnaire des ressources naturelles. Malheureusement, de nombreux personnes et communautés autochtones n’ont toujours pas obtenu ce respect ou ce droit de gérer leurs ressources.

Les droits de pêche des autochtones sont disputés pour la même raison que d’autres droits leurs sont supprimés: la colonisation. Lorsque les colons européens (et d’autres) se sont répandus sur la terre, ils ont usurpé l’autorité sur les terres des autochtones au travers de génocides, de guerres et d’ententes forcées; ceux qui sont restés ont souvent été forcés de vivre dans une zone spécifique (par exemple les réserves) sans le droit ou l’accès à toutes leurs zones traditionnelles ou à exercer leur culture et leur souveraineté. L’autorité coloniale est toujours en place dans la plupart des zones habitées et les autochtones sont toujours opprimés. L’oppression se manifeste de différentes façons, allant d’un manque de services de santé, de revenu et d’éducation, à la suppression culturelle et la répudiation sociale.

Dans les quelques prochains paragraphes, nous examinons les différentes formes d’oppression des autochtones dans le contexte des produits de la mer et de la pêche, puis nous discutons des moyens pour rectifier les problèmes.

Souveraineté alimentaire et subsistance

Le poisson occupe toujours une part importante de la souveraineté alimentaire pour de nombreux autochtones, dont un grand nombre sont aussi impliqués dans la pêche commerciale pour leur subsistance. Les autochtones des comunautés côtières ont une dépendance disproportionnée au poisson pour l’alimentation: ils mangent 4 fois plus de produits de la mer que la moyenne mondiale. Les autochtones ont moins accès aux supermarchés et à l’agriculture traditionnelle (souvent parce que la terre leur a été confisquée), le poisson peut ainsi jouer un rôle important dans la nutrition et la santé. Pour les communautés autochtones, le poisson représente plus que de la nourriture.

Par Yoshitaka Ota

Dans de nombreux endroits du monde, la pêche commerciale est une source importante de revenu pour les autochtones. Par exemple, les Tribus côtières sur la côte Ouest de l’Amérique du Nord génèrent des millions de dollars à partir des pêcheries de saumon tribales. En Nouvelle Zélande/Aotearoa, la pêche commerciale Māori pèse 1.4 milliards de dollars. Cependant, les politiques en place qui défendent les droits de pêche des autochtones varient énormément en fonction des zones, principalement à cause des déséquilibre de pouvoir.

Gestion des pêches et autorité de prise de décision

En Amérique du Nord, différents états peuvent offrir différentes protections aux tribus qui partagent le même océan. Par exemple, le Territoire du Yukon au Canada et l’État de Washington offrent tous les deux des droits de pêche aux autochtones et co-gèrent la pêche avec des gestionnaires autochtones, alors que la Colombie Britannique et la plupart des autres États des États-Unis ne le font pas. Une comparaison intéressante entre les territoires voisins de l’État de Washington et de la Colombie Britannique réside dans leurs approches pour gérer l’élevage de saumon. En Août 2017 une grande fuite de saumons d’élevage à Washington a lancé une discussion à propos des lois sur l’élévage du saumon Atlantique dans des zones natives du saumon du Pacifique. Bien que de nombreux scientifiques pensent que les fuites de saumon Atlantique ne représentent pas un grand risque pour le saumon natif, de nombreuses Tribus ont poussé pour une réglementation plus stricte afin d’éliminer complètement le risque. Malgré les preuves scientifiques et les pertes économiques liées à la perte d’une industrie, l’État de Washington va commencer à éliminer les cages de saumon Atlantique, principalement pour protéger les droits autochtones sur le saumon. Les premières nations ont demandé les mêmes réglementations au Canada, mais le gouvernement de Colombie Britannique n’a pas fait de projet pour changer quoi que ce soit.

En Nouvelle Zélande/Aotearoa, toutes les pêcheries sont gérées avec un système de partage des captures qui alloue un certain quota de poisson aux pêcheurs à travers le pays. Quand le système a été établi dans les années 1980, les Māoris ont été laissés largement en dehors du processus de prise de décision et peu de droits leur ont été attribués. À cause de la violation des droits de leur traité, des procédures judiciaires ont été lancées pour le compte des Māoris et se sont conclues en 1992 avec l’attribution aux Māoris de 10% du quota initial, 20% de nouveau quota (potentiel de pêche), 150 million de dollars pour acheter du quota supplémentaire et la moitié de l’entreprise de produits de la mer la plus importante du pays. De nos jours, les Māoris possèdent à peu près 40% du quota de pêche, et la Nouvelle Zélande est reconnue pour avoir l’une des gestions des pêches les plus durables du monde. Cependant, après un effort de lobbying important de la part de plusieurs organisation environnementales, la Nouvelle Zélande a proposé une grande Aire Marine Protégée (AMP) qui transgresserait le droit des Māoris. Les AMPs sont souvent vues commes des solutions de conservation, mais transgresser les droits est aussi oppressif et non durable ! Les Māoris méritent d’avoir la gouvernance de leurs ressources traditionnelles.

Barrières institutionnelles

Cependant, la gouvernance est souvent l’apanage de ceux qui ont reçu une éducation formelle en halieutique ou en gestion des ressources naturelles (dans le sens occidental traditionnel, par ex. éducation secondaire). L’accès à l’éducation et les opportunités sont moins nombreuses pour les populations autochtones dans de nombreux endroits dans le monde, ce qui rend plus difficile l’implication dans les processus de prise de décision. D’autre part, les preneurs de décision qui ne sont pas autochtones (la vaste majorité des gestionnaires des pêches et des halieutes) sont souvent parfaitement inconscients ou explicitement méprisants de la connaissance écologique traditionnelle (traditional ecological knowledge TEK) des autochtones. Le TEK représente la sagesse de siècles d’usage durable par les peuples indigènes; il est irrespectueux de le dédaigner parce qu’il n’a pas été formalisé de la façon traditionnelle occidentale. Synthétiser l’halieutique formelle et la gestion avec le TEK est une étape importante pour reconnaître le rôle des autochtones dans l’usage des ressources naturelles.

La représentation dans l’halieutique et dans la prise de décision est un facteur clé pour rééquilibrer le pouvoir dans la gestion des pêches par les autochtones. 

S'investir pour le changement

  • Écouter, échanger de façon constructive et inclure les autochtones dans les processus de prise de décision
  • Décoloniser la Science; décoloniser les pêches.
  • Donner un support intitutionnel aux autochtones. Admettre plus d’autochtones dans l’enseignement supérieur et dans des programmes du troisième cycle en halieutique et en gestion est une bonne chose, mais il faut s’assurer qu’ils ont accès à des mentors et à des ressources pour s’épanouir.
  • Inclure le TEK dans la gestion des pêches et dans les politiques d’une façon appropriée et éthique.

Les femmes

Le centre WorldFish a fait un travail remarquable dans l’étude et le développement vers l’égalité des genres. D’après eux, l’égalité des genres est important parce que:

Les femmes comme main d'oeuvre pour les produits de la mer

Les femmes sont présentes dans chaque aspect de la chaîne d’approvisionnement des produits de la mer: 14% de la main d’oeuvre directement impliquée dans la pêche et l’aquaculture sont des femmes, mais elles représentent la moitié de tous les emplois secondaires comme la transformation, la commercialisation et la distribution.

D’après WorldFish:

Et pourtant, [les femmes] font face à des défis substantiels pour participer à et bénéficier équitablement de ces secteurs. Une combinaison de facteurs sont en jeu, parmi eux l'accès et le contrôle limité sur les biens et les ressources, des normes de genre contraignantes, des charges de temps et de main d'oeuvre pour du travail non rémunéré et des barrières pour entreprendre. Le résultat est que les femmes ont moins d'opportunités et sont moins rétribuées par la pêche et l'aquaculture que les hommes—dont un salaire plus bas—et sont laissées dans des situations de pauvreté.

Les femmes ne sont pas souvent reconnues ou ne sont souvent pas payées pour leur contribution à la pêche. Dans le monde en développement, par exemple, les femmes réparent les filets, collectent les poissons côtiers pour faire de l’appât, ou préparent la nourriture pour les pêcheurs et bénéficient d’une faible reconnaissance. S’impliquer plus fortement dans la pêche en tant que femme pêcheur est également une chose difficile. En plus des normes sociales qui les excluent, les femmes ont moins d’accès aux capitaux et aux ressources, par exemple pour acheter un bateau de pêche ou pour démarrer une ferme d’aquaculture. Pourtant, quelques études montrent que lorsque les femmes sont impliquées plus directement dans la pêche et l’aquaculture, la productivité et les bénéfices augmentent.

Voici quelques femmes pêcheur dures à cuires qui font un travail que les hommes ne peuvent pas faire:

Les femmes des communautés de pêcheurs ont souvent d’autres responsabilités sociales inéquitables. Elles sont typiquement la personne principale pour s’occuper des enfants, de la famille et du foyer; quand les revenus ne sont pas garantis dans une communauté de pêcheurs; par exemple une fermeture de pêche, les femmes sont affectées de façon disproportionnée. Le besoin de supporter leur famille peut mener les femmes à être exploitées dans le travail du sexe: échanger du sexe pour du poisson n’est pas quelque chose de peu commun dans les communautés appauvries.

Au travers de cet article sur la justice sociale et environnementale, nous avons souligné comme l’inégalité dans la pêche est souvent un microcosme de l’inégalité dans la société. Les femmes dans la pêche ne sont pas différentes—les femmes qui travaillent dans les secteurs secondaires et tertiaires font face aux mêmes biais que les femmes dans le reste de la main d’oeuvre du secteur, par exemple:

  • Des standards différents pour l’apparence et la communication
    • Les femmes sont tenues à des standards différents et plus stricts que les hommes quant à leur apparence physique.
    • La voix d’une femme sur le lieu de travail est souvent vue comme moins importante et/ou moins intelligente que celle d’un homme. Les femmes sont souvent interrompues par les hommes.
  • Harcèlement
    • Les hommes peuvent être effrayants.
  • Discrimination quant à la maternité, menaçant la sécurité de l’emploi et l’évolution de carrière

Les femmes dans les sciences halieutiques et dans la prise de décision

Regardez la page de la faculté à la School of Aquatic and Fishery Science de l’Université de Washington, l’une des meilleures institutions de sciences halieutiques au monde—seulement 7 des 34 membres à plein temps de la faculté sont des femmes (c’est une amélioration par rapport à quelques années auparavant).

Les femmes en science font face à des barrières à l’entrée comme des attentes sociales archaïques, le manque de mentorat et une dynamique de pouvoir qui ne leur est pas favorable. Au cours de leur carrière, les femmes font aussi face à plus de barrières que les hommes comme des attitudes biaisées, la discrimination quant à la maternité et une évolution de carrière plus lente.

Les papiers les plus cités dans l’histoire des sciences halieutiques illustrent assez bien le manque de diversité de genre:

D'après Branch & Linnell 2016

La disparité des genres en sciences halieutiques et dans les institutions académiques s’infiltre aussi dans la gestion: par ex. seulement 2 des 14 membres votant du Conseil de gestion des pêches du Pacifique ( Pacific Fishery Management Council, FMC) sont des femmes. Seulement une personne des 18 du FMC de Nouvelle Angleterre sont des femmes et tous les membres non votant sont des hommes:

NEFMC

Les femmes ont besoin d’un meilleur support social et institutionnel en halieutique pour que la science et la gestion soient plus équitables. L’équité entre les membres d’une institution en charge de prendre des décisions a des retombées positives pour toute la société.

Cependant, des progrès sont réalisés. Aujourd’hui, 60% des étudiants du deuxième cycle à la School of Aquatic and Fishery Science à l’Université de Washington sont des femmes. Cet amélioration doit être célébrée avec circonspection—les jeunes académiques doivent toujours avoir un support institutionnel approprié pour réussir. Soutenir les jeunes femmes académiques aidera les femmes à réduire continuellement le fossé des genres dans des positions de pouvoir dans la gestion des pêches et la prise de décision.

Consommation de poisson

Les femmes enceintes ou essayant de le devenir ont besoin de faire attention au type de poisson qu’elles mangent à cause des plus hautes concentrations de mercure dans certaines espèces. Un poisson mal étiqueté peut augmenter le niveau de mercure dans le corps de façon non contrôlée et créer des problèmes pour le bébé. Bien que ce soit peu répandu, si un poisson a un profil nutritionnel drastiquement différent que celui indiqué sur son étiquette, certaines personnes, particulièrement les femmes, pourraient être à risque car le mercure dans le poisson peut causer des fausses couches. On conseille généralement aux femmes enceintes d’éviter certaines espèces de poisson à haute teneur en mercure pendant leur grossesse. Si un poisson riche en mercure était pris pour un poisson pauvre en mercure, une femme enceinte et son bébé pourraient courir un risque. Voici un graphique pratique.

FDA guidelines for pregnant women and young children eating seafood

S'investir pour le changement

  • Écouter les femmes
  • Supporter les femmes au travail— la négociation de groupe est une des meilleures façons de réduire l’écart des salaires.
  • Encourager les femmes à aller vers des carrières en science halieutique et STEM, …
  • Supporter les femmes dans les sciences halieutiques et la gestion. S’assurer que les jeunes femmes académiques se sentent encouragées pour contribuer et aussi qu’elles en ont les moyens.

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Cet article fait partie de Sustainable Seafood 101

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